Le collège scientifique de la Fondation l’IA pour l’Ecole s’est rassemblé le jeudi 18 février 2021, afin de discuter des différents projets menés depuis la nouvelle année. Après une introduction aux diverses actualités des dernières semaines, le cœur du débat se centra autour des travaux autour d’une réflexion sur la culture mathématique à l’Ecole que mène la Fondation.
Mathématiques et intelligence artificielle
Philippe Fleury présenta les avancées qui ont été effectuées depuis la dernière réunion, en collaboration avec Inès Belhadj et Alexander Chourreau. Le plan de travail a été légèrement restructuré pour mieux mettre en avant les liens avec l’IA ainsi que les recommandations émises par la Fondation. Des entretiens qualitatifs ont également été effectués avec différentes personnes. Par exemple, des membres de la Fondation se sont entretenus avec Sébastien Planchenault, président de l’APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public), ou encore Sophie Guichard, qu’Inès Belhadj et Alexander Chourreau avaient rencontré en septembre lors d’une conférence. Celle-ci est enseignante de mathématiques, et créatrice du site Mathsenvidéo – une plateforme qui vise à rendre l’apprentissage des mathématiques plus ludique.
Bien qu’une certaine sensibilité existe entre mathématiques et musique, Michel Authier exprima un désaccord quant à l’argument de Philippe Fleury que tous les mathématiciens sont musiciens. Il mit également en avant le message principal d’une courte réflexion qu’il avait eu sur le sujet, et qui fut transmise aux membres du collège scientifique quelques jours avant la tenue de la réunion. Nous avons, en France, de bonnes mathématiques de haut niveau ; pourquoi forcer tous les jeunes à aimer les mathématiques ? Il prit l’exemple de la musique. Combien d’élèves ont été dégoutés de la musique simplement parce qu’on a voulu les faire faire du solfège ? François-Xavier Louis exprima un avis similaire.
Marc Grassin ajouta un élément plus sociologique à la réflexion d’ensemble. La problématique contemporaine a changé ; comment permet-on à des jeunes d’apprendre quelque chose qui leur servira comme arsenal multiforme ? Il est normal de ne pas pleinement consacrer sa vie aux mathématiques, car le monde est multiforme. Le soucis est que les mathématiques véhiculent une représentation du monde très élitiste, très spécialisée, qui n’est pas forcément adéquate. Thibaud Leboucher renchérit sur le sujet, en mettant en avant que les mathématiques sont aujourd’hui devenues un outil de sélection. Philippe Fleury tempéra : cela ne devrait justement pas l’être. Il s’agit d’en faire autre chose, de rendre une passion aux mathématiques. Le livre blanc est porté par cette idée.
Michel Authier insista plus encore sur la nécessité de concilier l’individualisation de l’enseignement avec le fait qu’on a une économie de l’enseignement qui force à la massification. Or, l’IA est justement assez miraculeuse à cette fin – ce qu’il appela une « logistique adaptative ». On pourrait dès lors optimiser le temps passé à faire des mathématiques.
Thibaud Leboucher s’interrogea plus précisément sur la nature des liens entre mathématiques et IA. Philippe Fleury répondit que ce sont surtout des liens entre mathématiques et informatique – l’IA n’étant qu’une branche de cette dernière. Il informa par ailleurs le reste des membres sur le fait qu’à l’Institut Poincaré beaucoup de recherche est menée sur les liens entre mathématiques et IA.
Le défi de rendre les mathématiques plus attrayantes
Une importante partie de la discussion tourna autour des raisons pour lesquelles le plaisir de la résolution de problèmes (composante centrale des mathématiques) disparait progressivement pour l’immense majorité des gens. Michel Authier s’accorda avec Philippe Fleury pour dire que certaines zones du cerveau sont particulièrement disposées pour ces résolutions. François-Xavier Louis fit valoir qu’on doit malheureusement attendre des classes très avancées pour comprendre le lien entre mathématiques et choses physiques (les intégrales, par exemple). Il déplora ainsi le fait que nos mathématiques ne sont pas assez pratiques, et c’est en partie pour cela qu’il y a un décrochage au niveau de l’intérêt qui y est porté par les jeunes. Philippe Fleury se demanda dès lors s’il ne faudrait pas enseigner les mathématiques de manière plus cumulative.
Inès Belhadj ajouta quant à elle qu’on peut très bien développer une appétence pour le savoir, la réflexion, le raisonnement, sans pour autant faire des mathématiques très poussées et complexes. Cela fut notamment reflété dans les entretiens que nous avons pu conduire avec Amélia Matar, fondatrice de Colori – une société inspirée de la méthode Montessori qui propose des ateliers d’apprentissage du code pour les 3-6 ans). Ce qui est fondamental, c’est surtout de donner un sens aux mathématiques.
Revenant à la problématique initiale, Michel Authier se demanda si l’aspect psycho-évolutif n’était pas central ici. Avec la rentrée dans l’adolescence, les élèves se recentrent sur leurs relations entre pairs à l’école, plutôt que sur l’enseignement dispensé. Avec cette optique en tête, on pourrait moins se focaliser sur les problèmes du système (formation des enseignants, moyens…) et au contraire trouver des concepts mathématiques plus fondés sur du relationnel. Marc Grassin concorda ; au collège, il y a une bascule certaine qui entraine une concurrence des intérêts pour les jeunes aux dépens de l’école. Jean-Pierre Donche fit remarquer, qu’une fois de plus, la thématique centrale sous-jacente relatait à la synthèse entre l’individu et le collectif.
Cette réflexion sur la culture mathématique à l’Ecole est destinée à paraitre courant avril 2021. D’ici là, si vous êtes intéressés par cette thématique nous vous invitons à retrouver le compte rendu que nous avions fait à l’issue du Grand Forum des Mathématiques Vivantes du mois de mars – à retrouver sur notre site!